La compulsion de rationalisation: analyser et de chercher des causes

Cet article fait partie de ma série qui porte sur les compulsions dans le trouble obsessionnel-compulsif.

Les compulsions sont très importantes car elles font partie des symptômes principaux de ce trouble.

Elles sont des comportements physiques ou mentaux répétés qui visent à soulager votre anxiété et la souffrance liées à vos peurs et à vos doutes.

Dans cette vidéo, je vais vous parler d’un type de compulsion très commune: le fait d’analyser et de chercher à comprendre vos obsessions (pensées intrusives, peurs et doutes).

Pourquoi chercher à analyser et à comprendre est-il une compulsion fréquente du TOC?

Dans le TOC, les obsessions sont habituellement des pensées intrusives qui prennent la forme de peurs et de doutes, mais peuvent aussi être accompagnées d’impressions, de sensations, etc.

Et les obsessions qui portent sur certains thèmes portent davantage que d’autres à la compulsion de rationalisation qui consiste à analyser pour chercher à comprendre.

Évidemment, il est normal de chercher à comprendre ce que vous vivez, surtout lorsque ce que vous vivez est nouveau et désagréable, comme l’apparition de pensées intrusives dans votre esprit.

De plus, les personnes qui souffrent de TOC sont plus anxieuses que la moyenne.

Elles sont donc davantage portées à analyser les différentes situations pour se prémunir des dangers et des conséquences désagréables de ce qui les inquiètent.

C’est ici qu’entre en scène cette compulsion de rationalisation qui peut-être plus insidieuse que les autres, car elle donne l’impression d’être justifiée.

En effet, quoi de plus normal, quoi de plus «sain» que d’analyser un problème ou vouloir prévenir une conséquence que l’on redoute?

Mais, derrière cette initiative apparemment louable de résolution de problème, se cache souvent une compulsion dont le seul objectif est de vous soulager de votre anxiété.

Pour éviter de tomber dans ce piège que le TOC vous tend, vous devez bien comprendre son fonctionnement, de même que celui de ses symptômes, les obsessions et les compulsions.

D’ailleurs, si vous désirez des introductions complètes, je vous invite de nouveau à lire les articles très détaillées de mon site qui portent sur ces sujets.

Pourquoi tombez-vous dans le piège de cette compulsion?

Revenons à cette compulsion d’analyse et de compréhension qui donne l’apparence d’être une saine tentative de résoudre un problème.

Vous devez d’abord savoir que l’un des pièges les plus importants du TOC face à vos peurs (vos obsessions), est de leur donner du crédit (une grande importance) et de leur consacrer beaucoup d’attention chaque jour.

Cette attention que vous leur consacrez contribue d’ailleurs à transformer des pensées intrusives, qui se manifestent d’abord à l’occasion, en véritables obsessions qui reviennent sans arrêt dans votre esprit.

Cela provient d’un phénomène que l’on appelle l’effet rebond en psychologie et dont je parle dans d’autres articles sur les obsessions et plus en détail dans mon livre sur les pensées intrusives.

Cet effet rebond fonctionne de la manière suivante: plus vous accordez d’attention à vos peurs, à vos doutes et à vos pensées intrusives, plus vous tentez de vous en débarrasser, et plus elles reviennent.

Cela semble contre-intuitif, mais pensez-y bien.

Vos pensées découlent de réseaux de neurones dans votre cerveau.

Chaque pensée est associée à des réseaux de neurones spécifiques.

Or, plus vous accordez d’attention à certaines pensées et plus vous activez les réseaux de neurones qui y sont associés (aux pensées et aux peurs qui vous dérangent).

Cette attention porte ces réseaux de neurones à devenir de plus en plus robustes et de plus en plus sensibles et faciles à activer.

Voici deux métaphores pour mieux illustrer ce phénomène.

Pensez d’abord au sillon qu’un agriculteur creuse dans la terre: plus il passe et repasse souvent au même endroit et plus ce sillon se creuse profondément.

Ce sillon correspond aux réseaux de neurones associés à une pensée ou à un doute qui vous dérange ou qui vous fait peur.

Plus vous y accordez d’attention et plus vous creusez les «sillons» des réseaux de neurones associés à ces pensées.

Pensez aussi aux apprentissages et aux habitudes.

Vous savez que plus répétez souvent le même comportement et plus ce dernier devient une habitude.

Et plus vous répétez souvent des connaissances sur un sujet spécifique et plus celles-ci se renforcent dans votre cerveau (mémoire) sous la forme d’un apprentissage.

Il en va de même pour vos obsessions: plus vous leur accordez d’attention et plus vous vous trouvez à les répéter (sans le savoir), et plus elles deviennent une habitude.

Autrement dit, le fait d’accorder de l’attention à vos obsessions apprend à votre cerveau à les répéter de nouveau dans l’avenir.

C’est ainsi que, paradoxalement, plus vous tentez de contrôler vos peurs et vos pensées, et plus vous les rendez faciles à activer dans votre cerveau.

Elles deviennent de plus en plus efficaces pour revenir vous faire souffrir.

Je vous explique tout cela pour que vous compreniez bien le phénomène derrière le renforcement de vos obsessions.

Car c’est ce qui me permet de revenir à la compulsion qui est l’objet de cet article: analyser et chercher à comprendre.

Les personnes qui souffrent de TOC sont très sensibles à tout problème ou danger potentiel.

Elles sont donc naturellement portées à analyser et à tenter de comprendre la cause et le sens de leurs obsessions.

Il s’agit même d’un des pièges principaux du TOC: vous avez l’impression que vos obsessions constituent un problème très important alors qu’elles sont inoffensives et ne constituent qu’un symptôme de ce trouble.

Comment faire la différence entre une compulsion et une saine quête de compréhension?

À ce stade de votre lecture, vous vous demandez peut-être comment faire la différence entre une compulsion et une tentative légitime d’analyser et de comprendre un véritable problème?

Pour répondre à cette question, vous devez revenir à la définition des compulsions: ce sont des comportements physiques ou mentaux répétés qui visent à soulager votre anxiété et la souffrance liées à vos peurs et à vos doutes.

Ainsi, voici comment vous pourriez orienter de manière constructive et fructueuse vos efforts pour comprendre, analyser et solutionner ce que vous vivez:

1. Reconnaître que vous souffrez de TOC et que vos pensées intrusives et vos doutes, aussi dérangeants soient-ils, ne sont pas dangereux et ne sont que des symptômes;

2. Au lieu de consacrer vos efforts à analyser la cause ou le sens de vos obsessions (ce qui est une compulsion), vous devez réorienter plutôt vos efforts à comprendre le fonctionnement du TOC, à reconnaître ses pièges, à identifier vos obsessions, vos compulsions et, surtout, à apprendre à appliquer son traitement cognitivo-comportemental le plus efficace qui se nomme l’exposition avec prévention de la réponse.

Au contraire, des efforts d’analyse, de compréhension et de «résolution de problème» qui seraient en fait des compulsions (qui empirent votre souffrance) pourraient prendre les formes suivantes:

1. Si votre attention se concentre sur la cause et la signification de vos pensées, vous êtes dans la compulsion.

Par exemple, vous vous demandez: «Pourquoi est-ce que je pense à cela?», «Qu’est-ce que ces pensées signifient sur moi?», etc.

Les personnes qui souffrent de pensées intrusives à thématiques meurtrières, suicidaires et pédophiles dans la phobie d’impulsion ont souvent la compulsion d’analyser le sens de leurs pensées, alors que ces dernières ne signifient strictement rien: elles ne sont que l’un des principaux symptômes du TOC.

2. Si votre analyse et votre tentative de comprendre vise à vous rassurer, à vous convaincre que ce que vous craignez ne se produira pas, vous êtes aussi dans la compulsion.

Par exemple, certaines personnes dont les obsessions consistent à craindre d’avoir commis des actes horribles sans s’en apercevoir ont la compulsion d’analyser leurs souvenirs pour se rassurer que ce qu’elles craignent ne s’est pas produit.

3. Une autre forme fréquente de cette compulsion d’analyse consiste à rechercher des causes, à vous demander pourquoi vous souffrez de TOC.

Puisque j’ai déjà abordé le sujet des causes dans d’autres articles, je rappellerai donc simplement ici que le TOC à une cause principale, et cette cause est neurologique.

Autrement dit, le TOC se manifeste à cause d’une sensibilité particulière de votre cerveau à certaines peurs et à la manière dont vous y réagissez.

Il est inutile, par exemple, de perdre votre temps à chercher des «causes profondes» dans votre enfance, ou dans des traumatismes passés, ou dans quoi que ce soit d’autre.

En effet, vous n’aurez jamais de preuve concluante que l’événement de votre passé que vous aurez identifié serait bien la fameuse «cause» que vous recherchez.

Et même si certains événements ont pu sembler précéder la première manifestation de vos obsessions, le fait d’identifier ces événements ne changera strictement rien dans votre capacité à arrêter d’en souffrir.

Le TOC ne se traite pas de cette manière.

Vous devez plutôt désensibiliser votre cerveau de ses peurs en lui apprenant qu’elles ne sont pas réelles et qu’elles ne représentent aucun problème ni aucun danger.

Mais cette compulsion qui porte à chercher des «causes profondes» dans le passé a aussi la vie dure parce que la psychanalyse, et certaines psychothérapies qui s’en inspirent, ont largement popularisé l’idée aujourd’hui dépassée que le simple fait d’identifier la source d’un problème psychologique permet de le guérir.

Les recherches contemporaines en psychologie ont cependant démontré que cela n’était pas si simple et que les méthodes en thérapie cognitivo-comportementale validées par la science, elles, fonctionnaient vraiment.

Comment vous libérer de cette compulsion (et du TOC)?

Si vous désirez vous libérer du TOC durablement, un premier pas consiste à comprendre son fonctionnement et à identifier ses pièges, comme vos compulsions qui ne font qu’entretenir et empirer le problème, comme celle qui vous porte à analyser et à creuser inutilement le «sens profond» de la souffrance que vous vivez.

Mes meilleures ressources pour vous aider sont mon programme Web vidéo «Libérez-vous du TOC et des obsessions» ainsi que ses modules complémentaires qui portent sur certains types de TOC en particulier:

• Module pour guérir la phobie d’impulsion;
• Module sur le TOC de la peur d’être homosexuel.

Toutes mes ressources vous expliquent comment adapter et appliquer de manière autodirigée (self-help) le traitement d’exposition avec prévention de la réponse à votre situation et à vos besoins.

Mais il est aussi recommandé de consulter.

Si vous désirez le faire, choisissez un(e) psychologue d'orientation cognitivo-comportementale qui est spécialisé(e) dans le traitement du TOC.

Ce sont les meilleurs spécialistes pour vous aider avec ce type de problème et, avant de débuter les séances, assurez-vous qu’il/elle peut réaliser le traitement d’exposition avec prévention de la réponse avec vous, car il est le plus efficace pour arrêter les TOCS.

Voici une page qui vous aidera à trouver un(e) psychologue.

Il ne faut pas perdre espoir car des solutions efficaces et concrètes existent, tout comme plusieurs personnes ont témoigné de leur guérison du TOC.

Il faut cependant prendre le temps de comprendre son fonctionnement, ses pièges et de faire les efforts d’appliquer le bon traitement.

J’espère de tout cœur que cet article et les nombreuses ressources en ligne sur le TOC de mon site vous aideront comme elles ont déjà aidé un grand nombre de personnes aux prises avec ce problème.

Si vous désirez partager vos expériences personnelles ou si vous avez des questions, les commentaires ci-dessous sont là pour vous!