Connais-toi toi-même. (Temple d’Apollon à Delphes, VIe siècle avant J.-C.)
Dans cet article, je vais vous fournir plus d’exemples sur les manières dont vous pouvez utiliser le recadrage pour contrer les méfaits de vos distorsions cognitives qui rendent malheureux.
Voici donc venu le moment de faire le point, de considérer vos acquis et de les résumer pour en augmenter l’efficacité.
Vous pouvez utiliser le recadrage face à pratiquement tous les événements !
J’espère que les connaissances que vous avez acquises dans les pages précédentes de mon livre vous aideront à adoucir le goût amer du malheur et que le recadrage vous libérera d’une piètre estime de soi, d’une difficulté à communiquer ou de la tyrannie des émotions négatives.
En favorisant une saine utilisation du sens, le recadrage vous évitera conflits et conclusions trop hâtives et vous délivrera des tourments qui vous empêchent d’avancer.
En ce sens, le recadrage assume une fonction régulatrice qui, au lieu de panser superficiellement les plaies, les guérit en révisant leur signification et en nous empêchant de raviver inutilement la douleur.
Prenons l’exemple de François.
François sélectionne constamment ses souvenirs les plus pénibles.
Il ne cesse de penser au rejet que ses parents lui ont fait vivre lorsqu’il éprouvait des problèmes de toxicomanie.
On risque de se faire souffrir ainsi toute sa vie si on se révolte contre son passé et que l’on fouille constamment sa mémoire pour y exhumer les détails les plus pénibles.
Mais si on comprend nos distorsions cognitives, et en dépit du fait que l’on ne peut rien changer au passé, on cessera de souffrir.
Nos capacités de contrôle sont primordiales car, sans elles, nous ne saurions pas pourquoi nos problèmes surgissent ni comment les arrêter.
Je vous encourage d’ailleurs grandement à vous connaître davantage, à travers vos valeurs et vos réactions.
Ces informations sont primordiales pour améliorer le cours de votre vie.
Lorsque vous remettez en question une conclusion sur un sujet donné, vous n’éliminez pas les informations dont vous disposez déjà.
Vous n’effacez pas ces informations: elles restent disponibles en mémoire.
Le recadrage agit plutôt comme une réorganisation de vos conclusions et ce contrôle est plus difficile sans une bonne connaissance de soi.
Pour tirer profit du recadrage, vous devez développer votre autonomie en analysant ce qui vous arrive, en comparant les événements avec vos expériences antérieures.
Cela augmentera votre expertise et vos capacités de contrôle conscient.
L’usage constant du recadrage portera ses fruits à long terme.
Si on peut souffrir du fonctionnement de la mémoire, comme nous l’avons vu avec les pensées intrusives, les expériences positives découlant du recadrage vous donneront au contraire des pensées automatiques positives !
À force de contrôler nos distorsions et nos conclusions néfastes, nous développerons une attitude positive dans les activités quotidiennes les plus diverses1.
Il en résultera:
- De l’estime de soi et de la confiance en soi;
- De la motivation;
- Une meilleure capacité de réagir face à un éventail plus large de situations;
- Une vision optimiste du futur;
- Des émotions et des dispositions plus agréables, comme la joie et l’espoir;
- Une vision positive de la vie chaque jour.
Avec le temps, votre usage du recadrage deviendra aussi constant que naturel !
C’est pour cette raison que j’ai souligné l’importance de bien identifier les distorsions cognitives et d’apprendre les trois étapes du recadrage.
Devenir expert du recadrage consistera, par exemple, à mémoriser les caractéristiques de vos réactions dans des situations précises pour les corriger et augmenter la qualité de leurs résultats.
Une personne qui utilise le recadrage se sent plus responsable de ses actions: elle comprend la manière dont elles lui sont néfastes, nuisent aux autres et brisent ses relations.
Elle accorde donc une valeur prépondérante au respect.
Si nous veillons à nos intérêts, le choix évident consiste à collaborer puisque cela nous apporte un gain en efficacité2, mais aussi des avantages que nous n’avons pas en restant seuls.
Par exemple, la collaboration augmente la sécurité, nous donne accès à une variété d’échanges et d’idées et la possibilité de réaliser des objectifs beaucoup plus importants.
La seconde étape du recadrage nous encourage à rechercher de nouvelles informations sur nous-mêmes, sur les autres et sur les événements, pour nuancer notre interprétation.
Plus vous disposerez d’éléments d’explication, plus vous instaurerez facilement une distance entre vous-mêmes et ce qui se passe dans votre vie.
Cela vous « protégera » de l’influence directe des événements négatifs, vous en fera saisir la portée et vous aidera à mieux réagir.
Ce que vous mémoriserez de vos expériences positives du recadrage modifiera vos futures interprétations.
En effet, en privilégiant des informations suffisantes et des raisonnements valides, vous opérerez des changements profonds dans votre vision des événements.
Vous serez désormais plus conscients des processus qui vous permettent de comprendre, vous saurez comment ils fonctionnent et comment ils vous nuisent.
Comme avec les conditionnements, on peut développer des pensées et des réactions automatiques négatives.
Si cela repose parfois sur un profond manque d’estime de soi, vous savez maintenant que de simples mauvaises habitudes d’interprétation sont également en cause.
Pour déconstruire ces pensées automatiques, vous devrez leur substituer de nouvelles manières de voir les choses.
Plus vous disposerez d’explications riches, plus vous augmenterez votre liberté d’action et de réflexion.
Mais pour faire du recadrage un processus salvateur, il faudra vous accorder assez d’importance pour vous convaincre du bénéfice que vous en retirerez.
Vous serez toujours la seule personne à pouvoir régler vos problèmes
Si vous niez vos problèmes et sous-estimez vos capacités d’action, vous continuerez de les subir.
Et aucun miracle ne viendra régler les choses à votre place…
Par exemple, recadrer votre interprétation de la relation de pouvoir que vous entretenez au travail avec vos supérieurs montrera sous un angle absolument différent une signification qui vous minait peut-être.
Il ne s’agit pas de nier la hiérarchie, mais de rester conscients des abus que nous font parfois subir certaines personnes en situation de pouvoir.
Grâce à la distance que procure le recadrage, vous ne vous laisserez dévaloriser par aucun commentaire.
Le recadrage vous fera voir différemment ce en quoi vous croyez.
Il soulignera vos points de vue éventuellement erronés pour en déconditionner le sens et en amoindrir l’importance ainsi que l’effet.
Par exemple, s’il est toujours agréable de recevoir des compliments, d’y voir la preuve que les gens nous apprécient, il faut savoir aller au-delà de ces critères pour mieux se définir, pour comprendre et apprécier sa valeur indépendamment de la bonne ou de la mauvaise opinion que les autres ont de soi.
Sans cela, on devient esclave du jugement des autres. Pire, on craint leur opinion avant même qu’ils aient exprimé quoi que ce soit !
Le terrain devient alors propice à la très « populaire » sélection d’informations qui crée une vision absolument fausse de soi-même à partir de laquelle on se jugera.
Il est très difficile de remettre ses croyances en question: c’est ce qui fait que l’identification de nos problèmes n’est souvent pas chose facile.
Souvent, on ne s’aperçoit même pas qu’il s’agit de problèmes…
On est alors très loin d’avoir conscience de les entretenir, d’en être nous-mêmes la cause !
C’est la raison pour laquelle il sera aussi utile d’employer les outils que je vous ai présentés dans mon livre et tous les autres qui sont aussi présents sur mon site.
Cela illustre la différence fondamentale entre le travail actif de la conscience qui améliore la situation et une conscience passive qui identifie les difficultés (et s’en déresponsabilise) mais ne fait rien pour les régler.
Si la conscience est commune à tous les êtres humains, l’acquisition des connaissances dans divers domaines varie, de même que les intérêts, la personnalité, les valeurs et les émotions.
Nous pouvons cependant tous nuancer notre jugement, modifier nos croyances destructrices et modifier nos comportements pour assainir le cours de notre vie.
Le recadrage est la ressource fondamentale qui vous aidera à atteindre le bonheur, tel que je l’ai défini dans l’introduction de mon livre.
Il consistera à améliorer systématiquement votre jugement et le regard que vous portez sur les choses.
En corrigeant vos très naturelles limites, le recadrage augmentera la justesse de votre interprétation de la réalité, puisqu’il vous évitera de conclure à partir d’informations insuffisantes.
Quelques exemples complémentaires
Avant de terminer, j’aimerais réfléchir avec vous aux inconvénients de plusieurs comportements et surtout aux avantages que nous avons à adopter systématiquement le recadrage.
La maîtrise du sens que nous donnons aux choses
L’angoisse devant les événements est directement liée à l’importance du sens que nous leur accordons.
Parfois, nous avons peine à dormir simplement parce que nous nous inquiétons de détails anodins de notre vie.
Cela vaut-il la peine de s’en faire autant ?
Nous oublions trop vite que la vie n’est pas seulement une suite d’occupations.
Nous oublions aussi que notre contrôle est très limité et que nous pouvons prendre beaucoup plus d’initiatives que celles auxquelles nous nous limitons souvent.
Prendre une distance nous montre combien nos préoccupations sont parfois futiles.
Nous restons bien petits devant l’absolu.
Nous pouvons remettre en question nos habitudes, prendre le temps de nous arrêter, essayer de mieux nous connaître et commencer à vivre plus entièrement…
La généralisation
Un des meilleurs exemples de généralisation que je puisse rappeler est le cas de Jeanne, qui, à la suite d’une mauvaise expérience amoureuse, se met à soupçonner tous les membres du sexe opposé.
J’ai maintes fois entendu les personnes de mon entourage se demander pourquoi elles « attiraient » toujours les mauvais partenaires.
Il s’agit d’un cas de fausse association: ce n’est pas parce qu’on a vécu des échecs qu’une cause mystérieuse les déclenche…
Avant de conclure aussi rapidement, ces personnes devraient analyser un peu le contexte de leurs échecs pour nuancer leur interprétation.
Par exemple, le lieu de rencontre est-il toujours le même ?
Les clubs de nuit contiennent une plus grande concentration de personnes dont les objectifs ne sont peut-être pas les mêmes que les nôtres.
Il existe également de nombreuses variations d’une personnalité à l’autre.
Le simple hasard a pu mettre sur notre route des gens trop différents pour qu’une relation fonctionne.
Enfin, certaines attitudes influencent négativement les rencontres, comme le manque de sociabilité, l’égocentrisme, les préjugés, etc.
Statistiquement, même plusieurs échecs n’invalident en rien la possibilité que bien d’autres personnes nous correspondent davantage.
La culpabilité et les obligations
Si vous me demandez de faire quelque chose, vous pouvez être certains que je vais le faire. Pas besoin de me le rappeler à tous les 6 mois… 😉
Imaginez, comme cela se produit chaque semaine, que vous avez une tâche à accomplir mais que vous n’avez pas envie de la faire.
Trois choix s’offrent alors à vous.
Le premier est celui de la procrastination: vous attendrez le plus longtemps possible.
Le problème avec ce choix, c’est que vous vous sentirez coupable.
Vous devez faire cette tâche et vous vous évaluerez négativement, en vous qualifiant peut-être de paresseux.
À la longue, une telle attitude deviendra pernicieuse.
D’un côté, vous ne terminerez pas ce que vous entreprenez, ce qui nuit à la réalisation personnelle; d’un autre côté, vos évaluations personnelles négatives diminueront votre estime de soi.
Le second choix consiste à vous forcer à faire l’activité en question.
Cette option n’est pas toujours agréable sur le coup, mais elle engendre au moins de la satisfaction une fois la tâche accomplie.
Et, contrairement au premier choix, elle sera source de jugements positifs à votre égard.
Cette maîtrise de soi nous montre que certaines activités ne sont pas aussi pénibles que nous l’aurions cru.
Et elle développe des habitudes productives !
Par exemple, il s’agit de répéter assez souvent une activité modérément désagréable pour ne plus la considérer comme telle, et même finir par l’apprécier.
C’est bien ce qui m’arrive quand je m’astreins à la longue relecture de mes articles…
Le troisième choix consiste à remettre en question vos obligations, c’est-à-dire tout ce que vous croyez devoir faire absolument.
Au-delà des activités indispensables à notre survie ou à celle de nos proches, nous nous attribuons souvent une gamme de responsabilités plus ou moins importantes.
Mais nous nous imposons ces devoirs sans toujours nous interroger sur leur bien-fondé.
Il s’ensuit une série de règles apparemment incontournables qui alourdissent le quotidien et peuvent aller jusqu’à nous empoisonner la vie.
Ce scénario n’est (malheureusement) pas rare !
Le but n’est pas ici de douter systématiquement de l’importance de ces activités.
Il s’agit plutôt de veiller à ce que nous ne nous soyons pas graduellement ensevelis sous une montagne d’obligations que nous croyons inévitables (alors qu’elles ne le sont pas du tout) et qui nous rendent malheureux.
Il peut s’agir de trop fréquentes activités ménagères, des responsabilités que nous nous donnons pour ne pas décevoir les autres, etc.
Si ces activités nous rendent malheureux, il nous reste à nous demander s’il y a un véritable choix derrière nos « engagements ».
Dans ce cas, le recadrage consisterait à se demander: « Suis-je réellement obligé de faire ceci ou cela ? » Si la réponse est « non », elle indique que nous pouvons revoir nos soi-disant obligations et même nous en départir.
Le recadrage nous permet donc de réévaluer nos activités et leur statut « obligatoire » de manière à améliorer le déroulement du quotidien sans pour autant susciter de la culpabilité.
Plusieurs distorsions cognitives simultanées
Finalement, le court exemple suivant vous rappellera qu’une distorsion cognitive vient rarement seule.
Pierre, un homme relativement solitaire mais très sociable, souffre de ne pas fréquenter ses amis plus souvent et du fait que son travail l’oblige à passer la plupart de ses journées tout seul. Depuis un an, il entretient une relation avec Catherine et leur histoire présente un intéressant potentiel à long terme. Un soir où des amis sortent pour célébrer l’anniversaire de l’un d’entre eux, Catherine annonce à Pierre qu’elle n’ira pas fêter avec eux car elle se sent mal: elle souffre de crampes abdominales depuis la veille. La réaction immédiate de Pierre est une crise de colère où il accuse Catherine de ne jamais être présente à ce genre d’occasion. |
Bien évidemment, ce scénario a dû avoir diverses conséquences négatives, à commencer par un inutile conflit de couple.
La conclusion que Pierre a obtenue, fruit de ses distorsions cognitives, est complètement fausse.
Il a interprété négativement ce refus surtout parce qu’il était en mal de sociabilité.
Cette réaction implique une généralisation (« Tu ne viens jamais… ») et une fausse association entre une cause et un effet.
Il a cru qu’elle ne venait pas exprès pour lui faire de la peine alors qu’elle souffrait réellement d’un malaise !
Il a également procédé à une sélection d’informations négatives qui ne dépeignaient absolument pas la situation avec réalisme.
Mais cet exemple illustre également les conséquences positives d’un rapide recours au recadrage.
Si Pierre avait suspendu momentanément sa réaction pour se demander si sa conclusion était exacte, il aurait constaté sur-le-champ qu’il s’emportait.
Il aurait compris que sa déception suscitait des émotions qui l’engouffraient dans une situation encore plus désagréable.
En maîtrisant cet excès, il aurait passé une excellente soirée avec ses amis malgré l’absence de son amoureuse.
Il n’y a pas de mal à préférer le bonheur !
Comme je l’ai montré avec tous ces exemples, le recadrage s’avère un véritable choix de vie.
Il exige des efforts, mais ne nous apporte que des avantages sur tous les plans de notre quotidien.
En voici quelques exemples.
Sur le plan des processus cognitifs et de leurs distorsions
Nous maîtriserons mieux nos écarts de pensées et refuserons tout simplement les conclusions qui nous nuisent ou heurtent les autres.
Sur le plan des émotions
Nous ne nous plongerons plus aussi facilement dans les situations émotionnellement désagréables, comme la tristesse et la colère.
Cela nous empêchera aussi de poser des gestes que nous regretterions, comme cela arrive souvent à la suite d’émotions vives.
Sur le plan de notre identité
Nous déconstruirons les pensées qui nous dévalorisent, pour augmenter notre confiance en soi et notre estime de soi.
Cela entretiendra une saine distance qui nous empêchera de nous juger négativement à la moindre situation, comme à la suite de commentaires désobligeants de la part des autres.
Sur le plan de nos buts et de nos décisions
Nous définirons des objectifs réalistes et évaluerons surtout avec une efficacité accrue les infinies décisions qui façonneront notre vie.
Sur le plan des relations avec les autres et de la communication
Nous valoriserons plus facilement la coopération et le respect des autres.
Une communication claire, empreinte de tact, est un outil universellement efficace pour harmoniser nos relations interpersonnelles, dimension si importante de notre bien-être.
Sur le plan de la stabilité de notre bien-être
Enfin, le recadrage réunira tous ces avantages pour nous maintenir en état d’harmonie face à nous-mêmes, aux autres et aux événements.
Non seulement nous serons plus stables, mais nous nous montrerons persévérants et optimistes devant les épreuves.
À partir de cette nouvelle base, nous continuerons d’améliorer avec confiance notre quotidien pour goûter à la satisfaction de chaque moment, de chaque activité, de chacune de nos décisions.
Avec une conscience accrue de nos possibilités, nous serons mieux à même de supprimer les limites et les malheurs qui, souvent, relèvent de nos pensées nuisibles bien davantage que de la fatalité.
Si cet article vous a plu, sachez qu’il est tiré de mon livre Petit traité antidéprime. Vous pouvez vous le procurer en version ebook pour le lire en entier.
Références
- BRYANT, F. B. and W. J. Baxter (1997), «The Structure of Positive and Negative Automatic Cognition», in Cognition and Emotion, vol. 11, number 3, p. 225-258.
- GABBERT, B, D. W. Johnson and R. T. Johnson (1986), «Cooperative learning, group-to-individual transfer, process gain, and the acquisition of cognitive reasoning strategies», in The Journal of Psychology, vol. 120, number 3, p. 265-278.
Martine dit
Très enrichissant.
Cela permet de corriger ses comportements pour une vie plus agréable.
Merci !
Nicolas Sarrasin dit
Merci de votre commentaire ! 🙂