Tout est affaire de point de vue, et le malheur n’est souvent que le signe d’une fausse interprétation de la vie. (Henry de Montherlant)
Dans mes articles précédents, je vous ai parlé du cerveau et je vous ai expliqué comment fonctionnaient ses nombreux processus cognitifs.
C’était une introduction longue et substantielle, mais si vous avez eu la patience et la curiosité de lire ces articles, vous comprenez maintenant mieux comment fonctionne votre cerveau !
C’est ce qui m’amène à vous parler aujourd’hui de la manière dont votre cerveau utilise tous ses processus et ses modes de raisonnements pour comprendre l’ensemble de l’expérience que vous vivez en tant qu’être humains.
Il s’agit de l’interprétation !
Le filtre de notre cerveau
L’interprétation nous permet de comprendre ce qui nous arrive et d’expliquer nos expériences pour nous faire réagir plus adéquatement aux situations futures.
Elle nous amène à traduire les informations sous une forme cohérente et compréhensible en faisant appel à nos représentations (qui forment nos connaissances).
Rappelez-vous que les informations se composent de tous les stimuli qui proviennent de l’environnement, depuis les rayons du soleil jusqu’aux paroles des autres.
Nous utilisons ces connaissances du monde pour ajuster toutes nos réactions et nos comportements.
Une des premières recherches sur le sujet, effectuée par Dollard et Miller1, a montré le rôle important que joue le langage lorsque l’interprétation des événements suscite des émotions désagréables.
Nos émotions proviennent en grande partie de la manière dont nous « étiquetons » les événements.
Si nous les évaluons négativement, nous déclencherons aussi en nous-mêmes des émotions négatives.
Par exemple, si une personne anxieuse croit que la conduite automobile est hautement risquée, au moment de se mettre au volant, son niveau de stress augmentera, parfois au point de l’empêcher de conduire.
Pourtant, même si conduire comporte en effet des risques, cette personne les exagère.
C’est son interprétation, son « étiquetage » de la situation qui provoque son anxiété.
Lorsque nous interprétons, nous activons les informations apprises de nos expériences passées.
Nous construisons ensuite une signification à partir de ce qui nous paraît le plus plausible.
Par exemple, j’ai été surpris lorsque, à ma première visite en France en 1996, j’ai dû débourser quelques sous pour utiliser les toilettes publiques…
Mais puisque je connaissais déjà l’existence des toilettes publiques et que j’avais aussi déjà payé pour des services à maintes occasions, bien que je sois parfois un peu lent, j’ai compris cette situation nouvelle…
Le dénouement ne serait probablement pas le même pour un aborigène tout frais débarqué de la jungle et qui ne posséderait pas en mémoire les informations pour rendre cohérente son interprétation de l’usage des toilettes publiques en France…
Le pauvre irait de surprises en surprises !
Ainsi, grâce à nos processus cognitifs, chacune de nos interprétations accorde un sens précis aux événements.
Elle modifie nos attentes, favorise l’apprentissage et va jusqu’à influencer nos futures interprétations.
Le résultat de nos interprétations dépend beaucoup des informations que nous sélectionnons pour comprendre.
Il est habituellement possible d’élaborer plusieurs hypothèses différentes pour comprendre une même situation.
Certaines seront plus appropriées que d’autres.
Malheureusement, il est difficile d’obtenir toujours des hypothèses valides… et c’est là que les problèmes commencent…
Plutôt que de chercher davantage d’informations pour enrichir nos interprétations, nous nous contentons habituellement de sélectionner les éléments qui correspondent à nos attentes et à nos émotions.
Or, en effectuant cette espèce de tri, nous laissons nécessairement des informations de côté.
Cependant, ce processus est aussi avantageux.
Il nous aide à reconnaître et à différencier les caractéristiques des situations entre elles.
Par exemple, une situation me paraît surprenante: un jeune garçon court à perdre haleine en tenant sa casquette à deux mains. Je cherche des informations pour l’expliquer: plus tôt, je l’ai vu grimper dans un arbre où des guêpes ont élu domicile.
Mon interprétation devient cohérente: il fuit l’essaim de guêpes furieuses de s’être fait déranger !
Cet exemple illustre surtout qu’à chaque nouvelle expérience, nous répétons le même procédé de recherche d’informations et d’interprétation.
Ce processus enrichit et modifie sans cesse nos manières de voir le monde, à partir desquelles nous réagissons.
Malheureusement, la plupart de nos conclusions proviennent d’informations incomplètes, imprécises et même parfois carrément erronées.
Nous pouvons apprendre à reconnaître cette incertitude, car elle se répercute sur la validité de nos conclusions et influence notre bien-être.
N’avez-vous pas déjà remarqué que vos réactions changent en fonction de vos expériences antérieures, particulièrement lorsque ces expériences ont été éprouvantes ?
Voici donc de plus près la manière dont nous procédons à ces interprétations tellement importantes à notre bonheur.
Les processus dit bottom-up en psychologie…
Chacun de nous retiendra de ses expériences personnelles une grande quantité d’informations au cours de sa vie.
Toutefois, à la naissance, nous ne disposons pas encore de ces expériences qui nous aideront à guider nos actions.
Pendant l’enfance, les processus bottom-up sont les plus manifestes.
Ils représentent le chemin par lequel passent les informations, depuis la perception de l’environnement par les sens jusqu’au cerveau.
Ils semblent ainsi monter, d’où leur appellation bottom-up (bas vers le haut).
Bien sûr, l’enfant opère de nombreuses sélections parmi les informations qu’il recueille.
Ces choix vont de l’attention qu’il porte à un objet précis jusqu’aux limites de ses sens (l’impossibilité de voir dans le noir, par exemple).
Cependant, la « provision » d’expériences de l’enfant semble presque « vide » comparée à celle de l’adulte.
Plus sa mémoire s’enrichira d’informations nouvelles, plus ces informations nouvelles influenceront son interprétation du monde.
Voici une illustration typique.
Imaginez un enfant qui voit un chien pour la première fois: il apprend l’existence de ce sémillant animal.
Par la suite, de nouvelles expériences s’ajouteront à cet apprentissage initial, ce qui permettra à l’enfant de se forger une connaissance des « chiens ».
Grâce à ces connaissances, il reconnaîtra un chien chaque fois qu’il en rencontrera un de nouveau.
Il s’agit alors de l’effet top-down, que voici…
Les processus top-down, ceux qui descendent…
Comme leur nom l’indique, les processus top-down agissent depuis le cerveau, le « haut ».
Pour réagir, nos expériences antérieures influencent donc notre sélection et notre utilisation des informations provenant du « bas », c’est-à-dire de l’environnement.
Le processus semble ainsi « descendre ».
Les informations dont nous disposons sont très variées puisqu’elles découlent d’expériences multiples.
Par exemple, les paroles et les réactions de nos semblables, de même que la famille et la société nourrissent nos expériences.
Les processus top-down diffèrent des processus bottom-up du fait qu’ils exigent que nous appliquions des opérations cognitives (le raisonnement, par exemple) aux informations que nous avons recueillies.
Ces opérations nous mènent à des conclusions qui, à leur tour, modifient nos croyances et nos comportements.
Imaginez qu’une personne connaissant bien l’existence des chiens se fait attaquer par l’un d’eux.
Par la suite, lorsqu’elle croisera un chien dans la rue, elle éprouvera un sentiment de peur.
Cette réaction constitue un effet « top-down » puisque le sujet utilise sa connaissance des chiens (devenu pour elle un animal dangereux) pour modifier son comportement.
Ces processus fonctionnent la plupart du temps sans que nous nous en apercevions et utilisent les ressources de la mémoire.
Ils se manifestent moins chez l’enfant et varient beaucoup d’un adulte à l’autre, puisque les expériences personnelles façonnent leur influence.
Certaines illusions d’optique construites à partir de formes géométriques illustrent bien l’effet des processus top-down.
Un exemple classique est celui du triangle de Gaetano Kanizsa2.
Ce psychologue italien lié à l’école gestaltiste s’est intéressé à la reconnaissance visuelle des formes.
L’image ci-dessous reproduit l’une de ses célèbres illusions.
Nous voyons un triangle parce que notre cerveau en reconnaît suffisamment de parties pour l’identifier et en reconstruire les contours même s’il n’existe pas !
Des chercheurs ont d’ailleurs postulé que le système sensoriel possède des connaissances concernant les régularités de l’environnement.
Ainsi, notre cerveau compléterait la forme géométrique à partir de ce qu’il connaît3.
Pour la même raison, nous ne reconnaîtrions aucun triangle dans l’illusion de Kanizsa si nous n’en avions jamais vu auparavant.
Mais cela reste peu probable…
Des recherches sur la reconnaissance visuelle montrent que, pour interpréter, notre cerveau découpe les images en sous-catégories4.
Les processus top-down se manifestent donc inconsciemment même au niveau des processus cognitifs inférieurs, comme la perception.
Mais leur influence ne s’arrête pas là.
D’autres recherches démontrent même que nos attentes changent notre perception des événements, notamment notre perception de leur durée ou de leur simultanéité5 et 6.
Par exemple, le temps s’écoule toujours trop rapidement lorsque nous nous livrons à une activité agréable.
Et c’est tout le contraire qui se produit lorsque nous nous ennuyons…
Pour expliquer les processus top-down par rapport au fonctionnement du cerveau, des chercheurs ont élaboré une théorie sur la manière dont nos connaissances et nos expériences modifient notre interprétation.
Selon Constantine Sedikides et John Skowronski7, nos connaissances sont organisées à travers des structures cognitives communes à plusieurs activités.
Voici leur définition:
Lorsqu’un stimulus est suffisamment ambigu pour être encodé par plusieurs structures cognitives différentes, le stimulus aura tendance à être encodé par la structure cognitive qui est la plus activée en mémoire et dont le sens se rapproche le plus du stimulus.
Autrement dit, les neurones les plus souvent activés sont plus disponibles que ceux qui ne le sont que rarement et ils influencent le sens que nous donnons aux nouvelles informations.
C’est la raison pour laquelle notre cerveau réutilise les structures cognitives déjà existantes (et les plus utilisées), les connaissances issues de nos expériences, pour interpréter les événements.
Cela veut donc dire qu’une personne déprimée aura des structures neuronales associées à des pensées négatives (et autodénigrantes) beaucoup plus actives, et c’est ce qui la portera à interpréter les événements d’une manière négative propre à entretenir son état émotionnel dépressif…
Comprendre comment vous comprenez…
Comme vous le voyez, le fait de comprendre le fonctionnement de vos processus mentaux peut vous être d’une très grande utilité.
Cela nous aide à identifier les manières dont nous commettons naturellement des erreurs dans notre interprétation des événements et dans nos réactions.
Par exemple, si une personne s’attend à échouer le projet qu’elle entreprend, elle interprétera le sens des événements et modifiera ses réactions en fonction de son attente.
Elle sera pessimiste, démotivée, peu persévérante, et elle échouera.
Les structures cognitives, qui façonnent nos croyances et nos attentes, affectent notre penchant pour la joie ou la peine ainsi que notre tendance à tirer des conclusions positives ou négatives, ce qui a évidemment pour effet de modifier notre bien-être.
Par exemple, le simple fait de nous remémorer des événements agréables nous prédispose à trouver notre quotidien plaisant8, alors que l’inverse peut tout aussi efficacement nous conduire au désespoir…
Cette importante influence sur notre comportement se manifeste de plusieurs façons et dépend des facteurs suivants:
- Nos attentes;
- Nos buts et notre motivation;
- Le nombre de fois que nous sommes confrontés à des informations particulières;
- L’intensité émotionnelle associée à un événement. Par exemple, nous nous souvenons d’une situation traumatisante même si elle ne s’est jamais reproduite.
Ainsi, selon la présence de ces facteurs, nous réagissons plus ou moins vivement aux événements.
Ce qu’il faut en retenir, c’est que des facteurs tels que nos attentes, nos buts et nos traumatismes, influencent considérablement notre bien-être.
Le contexte dans lequel nous évoluons joue également un rôle important en ce qui a trait au contenu de nos pensées.
En effet, les gens et les objets activent parfois très rapidement des neurones liés à des souvenirs.
Le simple fait de passer devant l’immeuble où nous allions travailler chaque jour alors que nous venons juste d’être mis à pied suscitera probablement du stress ou de la colère.
Le même phénomène se produit lorsque nous regardons la photographie d’une personne aimée qui nous manque terriblement: la tristesse ou la mélancolie nous envahit.
Comment notre interprétation peut nous jouer de très vilains tours…
Vous commencez sans doute à avoir une idée de l’importance que revêt le fonctionnement du cerveau dans les plus petits détails de la vie.
Toutes nos expériences suscitent une interaction entre nos processus bottom-up et top-down, qui sont à la base de nos comportements.
D’une part, nous percevons des informations de notre environnement et; d’autre part, nos connaissances et nos processus cognitifs influencent la manière dont nous sélectionnons et utilisons ces informations nouvelles pour agir et prendre des décisions.
Voici une petite vidéo humoristique qui illustre assez bien cette manière dont notre cerveau manipule les informations à sa disposition pour recréer une «vérité» trop souvent fallacieuse:
C’est ainsi que notre interprétation des événements modifie constamment la manière dont nous ressentons notre bonheur. Cette aptitude adapte nos comportements à chaque situation.
Quand nous parlons avec quelqu’un, nous considérons toujours comme implicites plusieurs informations avec lesquelles nous-mêmes et notre interlocuteur avons déjà été mis en contact.
Par exemple, si je dis « J’ai vu un bateau quitter le port », je ne transmets que les informations minimales à mon interlocuteur.
Je fais ainsi l’économie de détails comme les couleurs, la forme de la coque ou la quantité de fumée qui s’échappe de la cheminée…
Lorsque nous communiquons, le fait que nous partagions des connaissances communes avec les autres nous permet de compléter les informations qui manquent.
C’est ce qui augmente l’efficacité de la communication (nous n’avons pas à tout décrire), mais aussi ce qui provoque les malentendus (lorsque nous omettons de dire quelque chose qui nous paraît évident mais qui ne l’est pas pour notre interlocuteur)…
Nos processus cognitifs et nos connaissances sont d’une importance capitale parce qu’ils sont le « filtre » à travers lequel nous comprenons toutes nos expériences.
C’est grâce à eux que nous évaluons les événements, de manière souvent automatique d’ailleurs.
Par exemple, nous ne nous demandons pas continuellement pourquoi telle personne nous déplaît.
Nous nous contentons de l’éviter ou d’être désagréable avec elle…
Nous n’interrogeons pas non plus les moyens grâce auxquels nous réalisons nos buts.
Pourtant, tous ces comportements découlent de la gestion des informations et des connaissances dont nous disposons.
Notre cerveau s’est développé à partir de l’environnement et, pour comprendre quelque chose de cet univers complexe, il a dû beaucoup simplifier.
Et bien que notre cerveau n’ait que des moyens limités, il doit composer avec des informations illimitées.
Cela explique que des erreurs se glissent tout naturellement.
Dans certains cas, comme nous l’avons vu avec les situations traumatisantes, ce processus nous nuira pendant de longues années.
C’est que nous aurons emprunté des schémas de réaction inadaptés, comme la crainte ou l’agressivité excessive, qui ponctueront notre quotidien de conflits et d’autres souffrances.
Et nous aurons beaucoup de difficulté à identifier la cause de ces désagréments: nous-mêmes !
Après coup, nous nous rendons souvent compte que la situation n’était pas très grave, mais que nous l’avons tout simplement mal interprétée.
Le danger consiste à tenir pour absolument véridique notre conclusion du moment, habituellement marquée d’émotion, et à croire qu’il s’agit de la seule conclusion possible.
Cette conclusion forgera des croyances qui modifieront notre attitude, laquelle, à son tour, engendrera d’autres problèmes.
Par exemple, si une amie nous tient des propos que nous jugeons blessants alors qu’elle tente maladroitement de nous taquiner, il se peut que nous lui en voulions longuement sans jamais revoir notre interprétation.
Pourtant, nous n’avons été l’objet que d’une plaisanterie.
Dans le pire des cas, en plus d’éprouver un inutile sentiment de rejet, nous nous brouillerons avec l’amie en question.
Il y aura alors deux grands perdants: notre amie innocente mais un peu gauche, et surtout nous-mêmes…
Quand nous ne pouvons pas gérer les situations potentiellement désagréables, nous faisons persister en nous des sentiments douloureux, comme la révolte, la tristesse et la déception.
Souvent, sans qu’il y paraisse, cette attitude nous éloigne d’une vie harmonieuse et agréable.
Avec le recadrage, je vous montrerai comment rééquilibrer le sens de vos interprétations pour en assainir la portée et cesser de vous empoisonner la vie, et ce, même si ces habitudes prennent leur source dans l’enfance.
Nos erreurs d’interprétation sont souvent la première cause de notre malheur.
Les psychologues nomment ces erreurs des distorsions cognitives.
Elles prennent la forme de mauvaises conclusions et de fausses croyances.
Ces distorsions entretiennent une vision du monde, de nous-mêmes et des autres extrêmement nuisible.
Cela survient, par exemple, lorsque nous nous comparons à une personne que nous admirons et que nous concluons être moins estimables qu’elle…
Tirer la sonnette d’alarme ! Une stratégie pour vous aider
Avant d’apprendre à identifier les distorsions cognitives, vous pouvez recourir à un indice de première importance qui vous fera savoir qu’un problème couve et que vous pouvez y remédier.
Cet indice, fondamental et pourtant si simple, est votre degré de bien-être.
Il suffit de partir du principe selon lequel lorsque vous vous sentez mal, c’est que des distorsions cognitives sont à l’œuvre.
Dès que vous sombrez dans un état négatif, vous n’avez qu’à vous demander: Que suis-je en train de penser qui soit irréaliste ?
Le malaise peut être déclenché par de nombreux facteurs: les paroles ou le comportement d’une autre personne; certains événements qui vous convainquent de ne rien valoir; des craintes ou de la culpabilité qui vous assaillent, etc.
Cet article vous présente d’ailleurs une liste complète des conséquences des distorsions cognitives, pour vous aider à les identifier.
Grâce à cet indice, vous reconnaîtrez facilement vos états désagréables et vous serez en mesure de modifier la majorité d’entre eux.
Plusieurs de ces états désagréables prennent la forme de pensées négatives ou en sont les conséquences néfastes.
Là encore, les indices de malaise ne se comptent plus:
- Fréquentes périodes de tristesse;
- Mauvaise opinion de soi;
- Sentiments de découragement, de révolte ou de culpabilité;
- Difficulté à se motiver;
- Recours machinal à la colère;
- Difficulté à communiquer ou à entrer en relation avec les autres, etc.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce sont nos interprétations erronées qui provoquent la plupart de ces pénibles états.
Les événements s’enchaînent, ni plus ni moins: notre interprétation transforme les informations, engendrant des conclusions fausses, des émotions négatives et des réactions malsaines.
Peu importe que les événements soient positifs ou négatifs; notre degré de bien-être résulte inévitablement du sens que nous leur accordons – et de lui seul.
Vous constatez maintenant combien de simples pensées tordues (les distorsions cognitives) sont capables de vous mener au désastre.
Pire encore, les conclusions que nous en tirons, souvent de simples illusions, nous semblent extrêmement réelles et véridiques.
Par exemple, si une personne que vous estimez vous affirme qu’elle croit ne posséder aucune valeur, vous serez surpris qu’elle entretienne une pareille opinion d’elle-même.
Vous pourrez raisonnablement penser qu’elle est victime de ses distorsions cognitives.
Et si elle ne fait rien pour rectifier sa perception d’elle-même, elle restera malheureuse et déprimée.
Sans que nous nous en apercevions, les distorsions cognitives débutent souvent leur funeste travail pendant l’enfance et l’adolescence.
Ces périodes sont décisives en ce qui a trait au bon développement de notre identité: elles consolident nos valeurs, façonnent notre vision de la vie.
Pendant l’enfance, nous sommes fragiles et dépendants de nos parents.
Nous ne disposons pas encore des ressources cognitives de régulation (la conscience) qui nous aident à corriger la portée néfaste du sens attribué à des situations désagréables.
L’adolescence voit se préciser notre identité, une identité qui dépend beaucoup des autres puisque, pour la première fois, nous mesurerons notre rôle dans la société.
Ce sont les raisons pour lesquelles ces périodes charnières restent si importantes.
Mais, contrairement à ce qu’en disent certains courants de pensée comme la psychanalyse, il ne s’agit en aucun cas de dénouer les « nœuds » qui résident dans la profondeur d’un insondable « inconscient ».
Il s’agit, au contraire, d’apprendre à corriger consciemment l’invalidité de nos distorsions cognitives, c’est-à-dire nos croyances et nos raisonnements fallacieux.
C’est ce qui diminuera les pensées, les émotions et les attitudes qui nous affligent inutilement.
Mais ça, c’est une autre histoire.
Si cet article vous a plu, sachez qu’il est tiré de mon livre Petit traité antidéprime. Vous pouvez vous le procurer en version ebook pour le lire en entier.
Références
- DOLLARD, J. and N. E. Miller (1950), Personality and psychotherapy; an analysis in terms of learning, thinking, and culture, New York, McGraw-Hill, 488 p.
- KANIZSA, G. (1979), Organization in vision. Essays on Gestalt Perception, New York, Praeger, 267 p.
- Voir: MARR, D. (1982), Vision: A computational investigation into the human representation and processing of visual information, San Francisco, Freeman, 397 p.
- PALMER, S. E. (1977), «Hierarchical structure in perceptual representation», in Cognitive Psychology, vol. 9, p. 441-474.
- BLAKEMORE S. J., D. Chris and D. M. Wolpert (1999), «Spatio-temporal prediction modulates the perception of self-produced stimuli», in Journal of Cognitive Neuroscience, vol. 11, number 5, p. 551-559.
- EAGLEMAN, D. M. (2001), «Visual illusions and neurobiology», in Nature Review Neuroscience, vol. 2, p. 920-926.
- SEDIKIDES, C. and J. J. Skowronski (1991), «The law of cognitive structure activation», in Psychological inquiry, vol. 2, p. 169-184.
- STRACK, F., N. Schwarz and E. Gschneidinger (1985), «Happiness and reminiscing: The role of time perspective, affect, and mode of thinking», in Journal of Personality and Social Psychology, vol. 49, p. 1460-1469.
Stéphane Phaneuf a écrit
Merci Nic!
Nicolas Sarrasin a écrit
😉
Mona a écrit
Merci pour cet article si important et instructif.
Nicolas Sarrasin a écrit
Merci beaucoup ! 🙂
Patrice a écrit
Merci beaucoup pour cet article. J’ai bien compris mon problème grâce à la connaissance que vous m’avez apportée.
Nicolas Sarrasin a écrit
Je suis heureux d’avoir pu vous être utile !